mardi 28 février 2017

La vie secrète des souvenirs


Petite, les jours d'ennui,
je fouillais les tiroirs de la maison à la recherche d'un secret.
Je crois que je l'espérais plus que je ne le redoutais.
Les albums photos étaient régulièrement passés au peigne fin. 
Je menais une enquête scrupuleuse.

Aujourd'hui, en redessinant mes photos d'enfance, 
je poursuis toujours le même but.
Je ne sais pas mieux ce que j'en attends mais cela répond à
un besoin véritable.
Je ne me rappelle aucun de ces moments photographiés et
ce dont j'ai gardé un souvenir n'a pas été immortalisé.
Comment croire ce que je vois? 
C'est un "moi" dont la mémoire a été effacée.
Des années fragiles comme le papier.







mercredi 8 février 2017

Il est 6 heures











Blues du dimanche soir. On rentre.
Le week-end toujours achevé prématurément nous plonge dans la mélancolie mes parents, mes soeurs et moi. A l’arrière, je suis assise au milieu, la place bâtarde. Je suis la plus jeune. 
Les adultes avancent vers leur lundi et remplissent la voiture d’une angoisse aigre. Le dimanche est la journée la plus courte de la semaine. A peine née, elle est condamnée par une fin précoce qui la teinte dès le matin. Elle n’a pas de soirée. Elle s’achève quand ma mère commence à charger des sacs dans le coffre de la 504.
L’heure et demi qui sépare la maison de campagne, vieille ferme ruinée, à notre HLM est un non-temps dans un non-lieu. Heureusement, il y a la radio pour nous distraire du néant. 
Nostalgie, RTL, « les grosses têtes »… Je soupçonne mes parents d’écourter le séjour pour pouvoir les écouter. 
Sagy… St Amour… Marboz… Bourg-en-Bresse! On est plus près du début que de la fin. 
Ca sent le saucisson. Papa rote.
« Il est six heures au clocher de l’église » Je tends l’oreille.
« Dans le square les fleurs poétisent » Gorge serrée.
« Une fille va sortir de la mairie » Mes yeux me piquent.

-C’est qui ça?
-Christophe! A chaque fois tu demandes!!

« Il faudrait que je lui parle à tout prix » Mon émotion ne porte pas de nom. Elle les contient toutes. Comme si je tombais amoureuse. Le monsieur chante pour moi les mots bleus, tous les mots bleus pour moi seule. Le trajet se colore et même la tristesse devient belle. Au son de sa voix, je me sens gonflée comme une éponge, imbibée de larmes et de rires. 


Comme mercredi dernier, salle Pleyel où j’ai pleuré sur les vestiges du chaos.