dimanche 23 juillet 2017

L'oeil de la rivière







Et si on se taisait?  Si on ignorait  tout  de ce qu'on
veut dire?  Si on arrivait  à se tenir là, sans sécurité
 face au  vide?  On accepterait  que ce qui s'exprime
l' est par  un mystère,  une magie,  une  chose  plus 
grande que nous et qui nous échappe.  Ce qu'on a à
dire,  est-ce que ça compte vraiment?  Et si nous n'
avions  rien  d'important  à  dire,  aucun  message à 
délivrer...  Peut-être  qu'on pourrait (re)commencer 
à peindre.

Tout ce qu'il me faut d'effort pour revenir à un rap-
port simple à la création! Depuis des années, je ne 
fais  que  désapprendre.  J'ai décidé que  mon  seul
maître  désormais,  c'est le plaisir.  Cela n'exclut ni 
l'exigence ni la rigueur. N'y voyez pas une facilité!
Déjà, il faut savoir l'identifier. Où est-il? Habitué à
ce qu'on néglige  son enseignement,  il s'est parfois 
réfugié  dans  des  profondeurs à peine accessibles.
 Une fois déniché,  nous devront  le laisser nous gui-
der  sans  rechigner  ni  écouter les mauvais  élèves 
qui ne  manqueront pas de semer le  doute en vous. 
" C'est nuuul!!! Il y connait rien  ce prof!"  Ou alors:  
"Trop facile,  tout le monde sait faire ça!!!"  Et aussi: 
"C'est trop ringard ce truc! Il sait qu'on est au 21ème 
siècle ton Maître?!"  Etc. Etc.  Si les  rabat-joies  ne
manquent  pas  à l'extérieur,  ils sont  bien plus dan-
gereux et  difficiles  à combattre à l'intérieur de nos
propres  têtes.  Mais je suis  de mieux en mieux ar-
mée  et, peu à peu, le silence se fait. J'entends mon
maître  et le laisse tenir le pinceau avec moi.  Il n'y 
a plus de questions, plus de  jugement, le plaisir n'
est plus  coupable,  la voie  est  libre!!  Je patauge 
gaiement  entre eau et encre. Ni projet ni avenir.
Ni attente  ni ambition. Pierre parmi les pierres,  
poisson parmi les aprons,  libellule parmi les 
demoiselles.  A  la fois légère et  lourde.  
Claire et obscure.  Morte et vive.